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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/193

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n’est que la plus active ; elle est plus indépendante parce
qu’elle est plus forte, et elle s’élève à des conceptions plus
profondes et plus hardies, parce qu’elle est unie à des
organes plus parfaits, et qu’elle-même domine davantage,

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dans cet individu, la majtière insensible qui comprime

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les ames des hommes foibles et bornés……………
Des docteurs chinois, moins hardis du moins que les
nôtres, n’ont pas prétendu que l’ame fût immortelle par
sa nature ; mais ils ont imaginé qu’elle pouvoit se fortifier,
se conserver par l’exercice du bien, et devenir même

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impérissable à force de vertus [S 1]. En cherchant le grand
œuvre imaginaire de la physique, on a fait des
découvertes heureuses ; j’aime mieux encore le grand œuvre de
la morale, les efforts de ses enthousiastes sont quelquefois
utiles aux hommes des siècles présens.

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On objecte qu’il est consolant pour l’homme, qu’il est
utile au vulgaire des hommes actuels de croire l’ame
immortelle ; mais puisque cette croyance n’est pas une
sanction indispensable à la morale de l’homme pensant,
encore moins peut-être à celle de l’homme bon ; puisque

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de grands adversaires de l’immortalité ont eu de grandes
vertus, et que de profonds scélérats ont cru la rémunération,
convenons que l’on peut sans crime attaquer cette

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opinion vénérée, | et sentons que les instituteurs des
peuples n’ont encore qu’ébauché le grand art de la

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législation. Il est adroit de faire servir à la fin que l’on se
propose, les foiblesses, les erreurs et les passions des hommes,
et de prescrire à leur folie la route dans laquelle on veut
qu’ils s’égarent. Mais il seroit sublime de trouver dans le
concours harmonique de toutes les passions naturelles, la
  1. Voyez l’ouvrage de Pastoret, intitulé : Zoroastre Confucius
    et Mahomet comparés, etc., deuxième partie, art. premier,
    § sixième.