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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/200

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TREIZIÈME RÊVERIE

Un peuple simple dont les vieillards ou les sages
observeroient la nature, non pour se vanter de l’expliquer,
mais pour y trouver les avantages de la vie humaine ; qui

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l’étudieroit non pour faire des systèmes, mais pour suivre
les applications particulières de ses lois générales, un tel
peuple concevroit, sur les lois de l’ordre universel, l’opinion
d’un tout harmonique résultat de la compensation
des effets contraires de deux causes différentes. La simple

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observation de la nature semble conduire à cette idée,
qui, sous diverses formes et diverses altérations, subsista
dans tous les siècles et chez tant de nations.
On trouve ce système chez les Sabiens, si antérieurs

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aux Mages [S 1], dans l’Égypte, la | Perse, la Grèce, et

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récemment dans des sectes chrétiennes ; le christianisme
lui-même l’admet. Les principales modifications de ce
système l’ont absolument défiguré, mais on le reconnoît
pourtant. D’abord on expliqua la nature en la composant
de deux matières, l’une active et l’autre inerte ou indifférente ;

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et l’on fit tout dériver des diverses combinaisons
de cette matière subtile et de cette matière corporelle.
Ensuite l’inquiétude de l’inconnu et le desir de se faire
un nom par de nouvelles hypothèses, ont changé la
matière motrice en intelligence gouvernante, et l’on crut

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à l’ame universelle. Pour se faire entendre du peuple, on
donna à l’ame universelle une volonté motivée ; et pour
  1. Voy. Antiquité dévoilée. Chap. V, du liv. 3 au t. II.