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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/205

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afin que la force contraire ne nous livre pas au mal exclusif.
Bien loin que nos desirs puissent prouver que les
biens sont seuls bons, ils sont au contraire une grande

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preuve que les compensations sont la loi de la nature ;
cette preuve est en nous, et nulle n’est plus sensible. Que
la nécessité, c’est-à-dire la force indépendante de notre
volonté, soit victorieuse de nos desirs, et que notre vie
soit livrée aux douleurs, elle nous conduit au désespoir ;

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que notre volonté parvienne à régler notre destinée, et

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qu’elle livre | notre vie à la continuité des plaisirs, elle
nous conduit au dégoût de la vie. Ces deux états sont
également mauvais. Nos affections intérieures sont aussi
pénibles, nous sommes aussi misérables dans la satiété

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des plaisirs que dans l’excès des afflictions. Le bonheur
de l’homme n’est que dans une sorte de mélange de
jouissances et de peines [S 1]. Les vrais heureux ne se trouvent

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pas plus parmi ceux qui n’ont qu’à | jouir, que parmi
ceux qui ne peuvent que souffrir. L’étude du cœur de

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l’homme produit des données pour la théorie de l’univers.
  1. « La prudence est la santé de l’ame, dit Confucius : cette
    prudence consiste dans le choix du juste milieu ; et cette santé
    dans la persévérance du choix. Les maladies de rame sont dans
    les deux extrêmes. »
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    CHUM YUM, ou Traité de la modération.
    Pourquoi les extrêmes sont-ils vicieux ? parce qu’ils sont l’effet
    immodéré d’une impulsion unique. Rien n’est bon s’il n’est
    double ou multiple par ses causes, harmonique dans son résultat ;
    c’est le juste milieu, le point de l’équilibre. Le discernement

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    de ce point, seul bon entre un nombre de plus ou moins imparfaits,
    est le goût de l’ordre, du juste, du mieux possible, des
    convenances de la nature. Les passions humaines sont orgueilleuses,
    ambitieuses ; ou aimantes, voluptueuses. La sagesse
    cherche leur point d’équilibre et de réunion réelle ; l’homme est

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    parfait, il est tout ce qu’il peut être, s’il vit dans la permanence
    de cet équilibre.