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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/267

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la différence parmi nous est si grande entre les diverses situations
de la vie, il y a tant à risquer ou à espérer, que l’on cherche
continuellement à déterminer son sort. Tout est vainement
bouleversé dans l’agitation de ces efforts multipliés et inalliables. Cette

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indifférence, vœu de la sagesse et repos de la vie, ne peut être
générale que dans des institutions qui nivellent et simplifient nos
destinées.
Du besoin d’activité naturel à l’âge d’accroissement. Du besoin
de repos naturel à l’âge d’altération et de dépérissement. Le

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moment de la plus grande énergie est celui où ces deux impulsions
se trouvent le plus également contrebalancées.

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De l’homme sans passions ; du besoin qu’il a d’un | moteur
pris hors de lui-même. De l’indifférence et de l’apathie dans
lesquelles il doit tomber naturellement. Supériorité d’une impulsion

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rapide et involontaire sur un effort raisonné. Inconséquence de
cette morale qui cherche à éteindre les passions, et veut ensuite
de la force et du zèle. Sans les passions il n’est point de morale.
Dans la vie morale comme sur les mers, un calme absolu est plus
funeste que la tempête. Effets de cet état de découragement et de

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dégoûts. Difficultés d’y remédier même par la philosophie. Différence
entre la vie du zélateur de la sagesse et celle de l’homme
désabusé et fatigué de toute chose.
Effets des occupations habituelles. Effets du goût de l’ordre
appliqué constamment aux petites choses. Notre cœur cherche,

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quelque part que ce soit, un mobile auquel il puisse se livrer. Les
lois sont fondées sur la nécessité de donner à tous une détermination
d’ensemble, et de n’être pas dans une perpétuelle délibération.
Il faut que les institutions soient telles que la raison puisse
s’abandonner à leurs suites naturelles, et que l’intérêt individuel

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aime à s’y abandonner.
Du génie. Du génie de l’instituteur des peuples. Il réunit l’étendue,
l’ordre et l’énergie. Il ne peut être dans l’ordre social, qu’un
seul objet digne d’une grande ame. Le sage aime à se circonscrire,
mais si son génie et les circonstances lui permettent de servir

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les hommes, il ne peut s’abandonner au repos philosophique.
Du sentiment profond d’ordre et d’harmonie qui caractérise le
sage. Il est inaccessible à toute prévention. Il juge les choses selon

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leur nature | et non selon leurs rapports accidentels. Du dédain
avec lequel la science sans profondeur rejette les erreurs sans y

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savoir chercher les vérités qu’elles couvrent. De la manière dont
le vrai sage étudie la nature et l’homme. Comment les hommes
mirent le difficile à la place du bon et changèrent les impulsions
utiles en vertus austères. Que tout mal est abus, dégénération ;
et que rien peut-être n’a été erroné dans son principe.