Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/40

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l’homme, mais dans la foible partie de cette chaîne dont

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il peut percevoir quelques notions, les extrêmes seront le

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grain de sable et l’homme même [S 1]. Le moi de tout | être
organisé n’est donc autre chose que cette succession
d’impulsions qui doit nécessairement finir par la décomposition
des organes, comme elle a nécessairement

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commencé lors de leur formation.
La chimère de l’immortalité fut produite par l’ignorance
des choses comme toutes les autres assertions
fausses ou hasardées, où l’esprit humain devoit s’arrêter
long-tems.

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L’individu ne sentant qu’en lui, doit d’abord se croire
seul : (et sans doute le grain de sable dont je parlois se
croit seul dans la nature) mais à mesure que les sensations,
dont il peut comparer les traces subsistantes dans
sa mémoire, deviennent plus nombreuses, sa vue moins

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limitée, voit plus également tous les êtres ; et plus elle est
universelle, plus le jugement qui en résulte diminue de

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son | être [S 2], ajoute aux autres êtres, et approche par degrés

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  1. Nulle autre différence entre eux que le plus ou moins de
    mémoire ou continuité de perceptions : et cette différence n’est
    point caractéristique, puisque cette faculté augmente par degrés
    insensibles, depuis le plus foible grain de sable jusqu’au plus
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    ingénieux des hommes ; puisqu’elle est plus marquée de ce grain
    à l’éléphant que de l’éléphant à l’homme ; puisqu’elle est moins
    grande entre cet éléphant et l’homme borné, qu’entre cet homme
    et Leibnitz.
  2. C’est ainsi que l’ignorant est égoïste passionné, etc., etc.
    S’il aime d’autres que lui, il les aime comme liés à lui  ; il aime
    son frère, sa femme… L’homme dont les conceptions sont
    universelles, est cosmopolite, indifférent aux événemens. L’étendue
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    des connoissances mène à l’impartialité de jugement, au
    silence des passions, à une sorte d’indifférence pour ce que les
    hommes vulgaires craignent ou desirent si immodérément.
  1. A. Note 6, l. 7-8. qu’entre cet homme et Platon ou Archimède.