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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/61

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pare sa solitude, la ronce qui se traîne sur ses bords, et la
caverne où se réfugièrent les proscrits, dont sa trace

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ancienne est le dernier monument. Souvent, au sein des
montagnes, quand les vents engouffrés dans leurs gorges
pressoient les vagues de leurs lacs solitaires, je recevois
du perpétuel roulement des ondes expirantes, le sentiment

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profond de l’instabilité des choses et de l’éternel | renouvellement
du monde. Ainsi livrés à tout ce qui s’agite et
se succède autour de nous, affectés par l’oiseau qui passe,
la pierre qui tombe, le vent qui mugit, le nuage qui
s’avance ; modifiés accidentellement dans cette sphère
toujours mobile, nous sommes ce que nous font le calme,

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l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur émanée d’une herbe,
tout cet univers animé qui végète ou se minéralise sous
nos pieds ; nous changeons selon ses formes instantanées ;
nous sommes mus de son mouvement, nous vivons de sa
vie.

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Si le mouvement est trop insensible au-dehors, je sens
le besoin d’en produire en moi-même un qui soit facile,
afin qu’il se perpétue sans exiger de moi l’effort d’une
volonté nouvelle, et uniforme, afin que je puisse comme
oublier sa sensation pour être tout entier à celles que

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j’attends, et que, sans nuire à celles-ci et les absorber, il
ne soit pour elles qu’une sorte d’accessoire qui les fortifie,


    ce filet d’eau qui s’échappe des débris d’une fontaine dont le temps n’a laissé subsister que ce qui passe sans cesse, et la caverne – 79. cette trace – 80-4. monument. *Au milieu des montagnes, quand le vent des cimes froides descend presser les vagues des lacs solitaires, vous livrez votre pensée à ce long roulement des ondes, à la ruine des formes, à la perpétuité des mutations, au sentiment de l’instabilité – 85. *Ainsi, soumis à – 85-6. s’agite, à tout ce qui change autour – 87-8. par la – tombe, par le vent qui s’éloigne ; modifiés – 88-9. dans cet ordre toujours – 90. l’odeur d’une herbe – 91. univers vivant – minéralise – 92. avec ces formes – 93-4 mus par ce – de cette vie générale.