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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/63

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nuage épais l’obscurcit un moment, c’est un triste désert.
Le chant d’un oiseau suffit pour animer la contrée, et le

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plus léger souffle des airs a changé pour nous la nature ;
tout est mu et tout est moteur à son tour : tout se succède,
tout change ; mais rien n’a passé en vain, tout a été
senti, excepté par l’homme altéré, aliéné dans sa vie
factice.

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L’homme qui s’est moins séparé du reste des êtres, et
qui a conservé des habitudes moins étrangères à sa première
nature, vit dans un état analogue à la situation
générale de tout ce qui change et se reproduit.
Moins emporté par les passions, moins consumé par les

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sollicitudes sociales, il reçoit ses changemens des causes

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naturelles ; il est ce que | le font les lieux, les saisons : et
il est moins dissemblable à lui-même, et surtout moins
péniblement changé que l’homme ordinaire toujours
façonné selon les caprices des autres hommes, et travaillé

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par des vicissitudes bizarres et cruelles.
Chacun des jours rapides de la perpétuelle reproduction
des années, apporte un changement sensible au degré progressif
de la végétation, à l’état des cieux, à la situation
de toutes choses mais, dans sa marche, comme ascendante,

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puis rétrograde, la série annuelle se divise dans
nos climats en deux saisons marquées ; dans l’une, principe
de vie, tout se compose, s’augmente, s’anime, se
développe ; dans l’autre, époque d’altération et de dissolution,
tout se repose, s’arrête, se corrompt, se détruit.

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Dans leurs premiers momens, celle-là ajoute à notre vie,

[JM 1]

  1. C, VIII{e} Rêv., p. 39-40 = l. 145-160. – 145-7. Dans la plupart des climats les phénomènes annuels ne forment que deux saisons distinctes. Dans l’une tout se compose – 148-9. dans l’autre tout – 150-2. *Dès les premiers momens de ces deux saisons, l’une ajoute à notre vie par cette impulsion animée qui la caractérise, et l’autre nous commu-