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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/80

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déserts. Où nous aimons chaque chose parce qu’elle est,

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où nous l’aimons comme elle est ; le sable parce qu’il
cède sous nos pieds ; la pierre parce qu’elle nous soutient
sans fléchir ; une terre unie parce qu’elle est facile à nos
pas ; une roche sauvage parce qu’il la faut gravir avec
effort ; l’épaisse forêt parce qu’elle voile l’éclat des cieux ;

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et le canal embrasé des feux du couchant parce qu’il
reflette et multiplie toute sa lumière. Où nous aimons
l’animé parce qu’il nous appelle hors de nous, et qu’il vit
comme nous ; l’inanimé parce que nous le soumettons à
notre être, et qu’il reçoit de nous sa destination ; la nature

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toute entière et dans ses | parties les plus indifférentes ou
les moins apperçues, parce qu’elles sont toutes l’occasion
de notre activité, l’aliment de notre pensée, la matière de
notre vie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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. . Il est des momens de paix et d’énergie où l’ame confiante,
libre, indifférente, assez indépendante pour tout
attendre sans être alarmée de rien, assez impassible pour
s’abandonner, se nourrit d’elle-même ; étend sur toutes
choses réelles ou possibles, le sentiment de sa force et de

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son bien-être ; reste comme immobile dans le tems qui se
succède, immuable dans le monde agité, et commence un
bonheur dont sa délicieuse erreur éternise la durée.


    déserts. Nous aimons alors chaque chose – 34-5. est et comme – 38. il faut la gravir – 41-3. multiplie la lumière. Nous aimons les êtres animés parce que, semblables à nous et vivans comme nous, ils nous appellent hors de nous ; nous aimons les choses inanimées, parce que nous les soumettons – 44-6. et qu’elles reçoivent de nous leur destination ; nous nous attachons à la nature entière et nous en admirons les parties les plus indifférentes ou les plus difficilement aperçues, parce que tout devient l’occasion – 50-3. *Il est des momens d’énergie paisible où l’âme confiante et libre, assez ferme pour n’être alarmée de rien, et assez grande pour n’avoir point de désirs, s’abandonne, comme si elle était invulnérable, se nourrit – 54. ou idéales – 54-6. force, reste comme immuable dans le monde agité, comme immobile dans le temps qui se succède, et commence – 57. dont cette délicieuse – durée imaginaire. –