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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/90

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tout ; où nulle chose ne paroît bonne, parce que l’on

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cherche une chose qui soit absolument bonne ; où la
crainte d’un léger inconvénient dégoûte d’un grand avantage ;
où rien ne plaît, parce que rien n’est sans mélange ;
où le cœur ne peut plus trouver assez, parce que l’imagination
a trop promis ; où l’on est rebuté de tous les biens,

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parce qu’ils ne sont pas extrêmes, et fatigué de la vie,
parce qu’elle n’est pas nouvelle.
Puisque l’ennui naît de l’opposition entre la sphère illimitée,
rapide ou riante, que nous imaginons, et la sphère
étroite, lente ou triste, où nous nous trouvons circonscrits,

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il s’ensuit que l’ennui ne menace proprement que

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ceux dont l’idée, trop abandonnée à son | imprudente
énergie, a étendu les desirs et les regrets à des choses
qu’ils ne sauroient atteindre, ou dans un monde qu’ils
n’habiteront pas ; et encore ceux qui, sans beaucoup penser

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ou même sentir profondément, ont beaucoup éprouvé,
et dont les relations, et surtout les jouissances, ont passé
les bornes naturelles à l’homme : d’où il résulte deux
classes de victimes de l’ennui ; l’une qui a connu, l’autre
qui a pressenti hors des indications primitives et limitées

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de la nature. L’homme simple, occupé de travaux directement
utiles, heureux de jouissances modérées, ne
sachant que ce qu’il doit connoître, et ne desirant que ce
qu’il peut posséder, sera toujours à l’abri de cette funeste
langueur [S 1]. Que de prises on donne au malheur en éten-


  1. Et cela seul suffiroit pour prouver l’abus de la perfectibilité.

    214-7. où nous sommes retenus, l’ennui menace particulièrement ceux dont la pensée irréfléchie et imprudemment avide étend les désirs – 218. sauroient posséder dans – 219-21. et ceux encore qui, antérieurement, ont éprouvé beaucoup d’émotions, et – 222. l’homme. D’où – 223-4. des victimes – l’une a – l’autre a – 224-5. primitives. L’homme – 226-7. modérées, n’observant que – 228-9. abri de l’ennui. Que de