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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/94

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L’homme simple possède seulement ce que la nature
lui donne, mais il est heureux de cette simplicité même,

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dans laquelle il ignore, | néglige ou méprise tout ce qu’il
ne possède pas. Exempt de passions comme d’ennuis et de
satiété, à chaque heure de sa vie indifférent pour le passé,
tranquille sur l’avenir, il jouit au moment actuel, et de ce
qu’il reçoit du dehors et du sentiment de sa propre force

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qu’il conserve en lui ; parce qu’il est ce que la nature l’a
fait ; parce qu’il use de ce qu’elle lui a donné ; et qu’ainsi
il n’y a pas entre sa nature et ses vœux, entre ses vœux
et sa situation, cette discordance qui afflige et fatigue tant
d’hommes, en les opposant à eux-mêmes, et eux-mêmes

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à leurs destinées.




    un toit, une source et des fruits sauvages, dont le cœur soit
    simple et le corps occupé ; cet homme ne sera pas misérable.
    5
    Le plus indigent montagnard ne l’est pas dans des lieux où sa
    pauvreté ne sauroit le faire dépendre, parce que tous sont pauvres
    comme lui, ni, par la même raison, l’avilir à ses propres yeux,
    ou lui être pénible par aucune des causes qui dépendent de
    l’opinion.

    5-6. les lieux où tous sont – 7-8. lui, sa pauvreté ne sauroit le mettre dans la dépendance, elle ne l’avilit point, elle ne lui est pénible – 9. opinion : il mourroit de besoin, que je ne le dirois pas misérable. Il y a souvent une affreuse misère dans nos champs ; il ne peut y en avoir dans une vraie campagne. – 298-9. *L’homme simple – ce que sa nature exige : mais par cette – 301-2. comme il l’est d’ennui et de satiété, indifférent – 305. lui. Il est – 306. fait ; il use – 306-8. donné : il n’y a pas entre ses besoins et ses vœux, entre ses vœux et sa situation cette discordance qui afflige tant – 309-11. eux-mêmes, et en les séparant en quelque sorte de leurs destinées.