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- n’a plus d’autorité. Cependant, il nous est naturel d’avoir
- de la considération pour celui qui étoit homme lorsqu’on
- nous allaitoit encore, pour celui qui a vu ce que nous ne pouvions
- voir, qui a fait ce que nous ne pouvions faire, qui
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- est revenu de ce qui nous | trompe, qui a observé, qui
- n’a plus besoin de plaisir, et qui aime presque certainement
- à se conduire selon la raison. Il est juste aussi de réserver
- plus particulièrement la considération pour celui qui n’a
- plus que cela. Que deviendra le vieillard que tout autre
- espoir abandonne, s’il n’est dédommagé par ce respect qui
- seul peut le lier à la vie sociale ? Sans cette perspective, la
- vie est triste même pour l’homme encore dans sa force ;
- il avance vers un âge où il n’y a autre chose que des
- regrets. Il est tout-à-fait politique de donner les respects à
- l’âge. Vous voulez des rangs, des préséances : sur quoi
- les fonderez-vous ? Si c’est sur la naissance, ce privilège
- que le hasard donne choque les autres classes ; si c’est sur
- les places ou sur la fortune, chacun s’efforce de parvenir
- ou de s’enrichir ; il n’y a ni loyauté ni mœurs, et tout
- reste dans le trouble sous les apparences du calme. Si, au
- contraire, vous les fondez sur l’âge, le principe est d’une
- équité rigoureuse, la plus belle harmonie en est la conséquence,
- et il ne reste aucun prétexte à l’usurpation.
- Point de prévention, point d’opinions opposées, de faveurs,
- de discussion, de refus. Point de jalousies : chacun
- doit arriver, à moins qu’il ne meurre avant le temps.
- Nul compétiteur frustré dans son attente, nul que le chagrin
- puisse décourager, ou que le ressentiment puisse élever
- contre un ordre de choses dont on ne peut se plaindre
- qu’en cessant de vivre. Nous ne parvenons jamais a éviter
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- l’arbitraire dans la | récompense du mérite même ou des
- grandes actions mais ici il n’y a point d’arbitraire. De
- plus, c’est un moyen facile de maintenir les mœurs éta-