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- Sans le théâtre, Voltaire sera encore un des plus grands
- poètes et un des meilleurs prosateurs de l’Europe. On
- pourroit l’opposer à Jean-Jacques même. Ces deux
- hommes ont eu sur la pensée de leur pays et de leur
- siècle, une influence qu’aucun écrivain du siècle précédent
- n’avoit obtenue et ne devoit obtenir. On trouve
- dans Jean-Jacques toute l’éloquence du cœur, et quelque
- chose de sa manière passionnée et même de ses bizarreries [1].
- On voit dans Voltaire tous les moyens de l’esprit
- et un peu de ses injustices. Jean-Jacques écrit en
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- soli|taire, sa pensée ne considère que deux objets, lui-
- même et le genre humain. Chez-lui c’est l’ame qui dicte,
- et elle s’exprime dans la langue perpétuelle. Pour Voltaire,
- il songe aux hommes, il connoît le monde, il voit comment
- il peut suivre à-la-fois et diriger le goût de son
- siècle. Il juge que le premier rang lui appartient et
- négligeant quelquefois des soins dont il craint la lenteur,
- il frappe, il se multiplie, il étonne, il marche à l’empire,
- à un empire et présent et durable…
- On reproche à Voltaire, comme écrivain tragique, de
- laisser trop apercevoir l’auteur sur la scène, et de se
- mettre à la place du personnage. On lui reproche surtout
- en général, d’avoir parlé plus encore à la raison qu’au
- goût, de s’être aperçu des misères de l’homme, et de la
- tyrannie des abus, de s’être élevé contre les erreurs, et de
- n’avoir pas écrit uniquement pour amuser, comme doit
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- Le Pont de Genève levé une minute trop tôt, changea le caractère
- et le génie de Jean-Jacques. Dans sa jeunesse humiliée et vagabonde,
- sa tête ardente s’habitua à chercher un autre monde où elle pût
- s’élever. En développant ceci, l’on explique|roit facilement le mélange
- de vraie grandeur et d’orgueil bourgeois, de simplicité antique dans
- l’intention, et de trivialité dans le fait qui caractérise toute la vie de
- Jean-Jacques, et dont même on trouve des traces dans quelques-uns de
- ses écrits.