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Page:Séverine - En marche…, 1896.pdf/95

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TUEURS DE FEMMES

dans les nuits claires, dans les aubes irisées, dans les crépuscules opalins, comme un grand oiseau qui prend essor vers les sphères inconnues ; s’en va cogner de l’aile contre la coupole bleue des cieux ; retombe meurtri ; et repart encore inlassable, en son élan vers l’au-delà !

Je ne suis donc point suspecte de matérialisme, au sens strict et un peu bas du mot. Mais il n’en est pas moins vrai que, par bien des côtés, nous sommes des bêtes ; que la « guenille » a ses droits, imprescriptibles d’autant qu’ils sont, plus qu’on ne le croit, lorsqu’il s’agit du libre arbitre, jumeaux de la pensée.

Or, lorsqu’un être n’en peut, ou n’en peut plus, physiquement, supporter un autre, l’immoralité est de le contraindre à un acte qui n’a d’autre atténuante que l’amour … ou la faim !

D’où vient donc cette intervention de la loi ; cette partialité en faveur du fort contre le faible ; ce vieux reste de barbarie qui entache notre pseudo-civilisation ?

Ne cherchez point ! Il en est de cela comme de l’autorité paternelle, comme de la bénignité des châtiments qui frappent les parents bourreaux ou les maris chourineurs.

C’est le legs de la vieille législation romaine : le pouvoir illimité du chef de famille sur les siens ; l’enfant propriété du père, la femme propriété de l’époux !

Voilà le grand mot lâché : propriété ! Car c’est l’instinct de possession, encore, qui se retrouve au fond des crimes de foyer. Il assure — les coupables l’espèrent, du moins, et l’événement, souvent, leur donne raison — l’impunité, ou la presque impunité, du forfait. Ceux qui le commettent, investis d’une sorte de mandat légal