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Page:Séverine - En marche…, 1896.pdf/96

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EN MARCHE…

leur semble-t-il, ne ressentent ni les appréhensions, ni les remords des simples mortels. Beaucoup sont étonnés des poursuites ; ils croyaient avoir le « droit » — que ce fruit de leurs entrailles leur appartenait comme les produits de leur champ ; que cette acquisition conjugale était là au même titre que l’horloge ou le bahut !

Et pas seulement à la campagne, mais à la ville, c’est cela, ce sentiment, exaspéré comme un calcul déçu, une spéculation déjouée, qui arme la main de presque tous les meurtriers.

Passion ? C’est vite dit ! À part quelques Othello souvent ridicules, plus souvent odieux, la passion n’exerce pas tels ravages en notre tiède époque.

Je distingue bien mieux, dans ces explosions de fureur, colère d’acquéreur riche qui se trouve « floué » ; colère d’allié pauvre qui se juge lésé. La femme veut reprendre sa personne, la marchandise livrée et payée : « Au voleur ! » La femme, si c’est elle que la fortune a favorisée, veut reprendre sa personne et sa dot : « Au voleur ! »

Et le « volé » tire dans le tas ; tue un passant, un concierge, un cocher, une amie… comme cela se fit, boulevard Malesherbes.

Encore celui-là s’est-il fait justice, a-t-il débarrassé son épouse et la société de sa vilaine présence. On avait d’abord parlé d’un drame de la jalousie ; et les gens insensibles aux peines de l’amour libre — « Fi Pouah ! Comme les bêtes, alors ? » — et sensibles seulement aux déboires du conjungo, avaient déjà tiré leur mouchoir.

Or, voilà ce que le Temps en dit, de ce héros inconsolable qui ne pouvait se faire à l’idée du divorce.

« Bailleul jouait aux courses et n’avait pas de profession bien définie. Il vivait, en réalité, aux crochets de madame Bailleul…

« À plusieurs reprises déjà, celle-ci avait eu à subir ses