Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marguerite Brouzet naquit, le 19 décembre 1855, de M. le capitaine de vaisseau Brouzet et de mademoiselle de Saint-Remy, son épouse.

À quatorze ans, à l’époque où la fillette a le plus besoin de délicates inspirations, de soins maternels, celle-ci était orpheline, toute seule au monde, sans appuis ni conseils, sans autre famille qu’une aînée, de nature absolument adverse, de caractère absolument différent.

Marguerite Brouzet vécut toute son adolescence au couvent du Roule, à Paris, y acheva son éducation. Sa sœur, devenue madame Rozat de Mandres, l’en fit sortir en novembre 1874, pour lui faire épouser le baron Pierre de Bonnemains, fils du général vicomte de Bonnemains, qui commandait l’une des divisions de cuirassiers engagés dans la fameuse charge de Reischoffen.

Mais si le père était un héros et un brave homme, son rejeton, lui, fut un piètre mari. La jeune femme subit toutes les humiliations, toutes les souffrances, tous les dégoûts ! Elle fut suppliciée dans sa dignité, dans sa chair, connut les nuits d’attente, les rentrées querelleuses, les semaines d’abandon, et les nauséeux partages, et le viol légal !…

Elle en endura tant et tant, la pauvre créature, et avec une si angélique résignation, un si parfait respect d’elle-même, que lorsqu’elle se décida, enfin écœurée, à demander la séparation, la famille de M. de Bonnemains, au grand complet, se déclara pour elle.

C’est au bras de son beau-père qu’elle pénétra dans le cabinet de M. Aubépin, dès le début de l’instance ; et le Président du Tribunal civil, d’un mot, caractérisa la situation : « Puisqu’il en est ainsi, la cause est entendue. »

Pendant la durée du procès, c’est encore le général