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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Une allée, arrondie en montée de perron, troue les massifs, puis débouche sur une éclaircie, juste en face d’un porche auquel donnent accès trois marches de pierre.

En un petit salon, au bout du long couloir qui scinde l’habitation en deux parties, dans le sens de la longueur, je suis introduite, avec prière d’attendre.

Il est exquis, ce petit salon : ni le luxe figé des « locations » richement garnies ; ni, non plus, le fouillis inextricable où mes contemporaines, sous mine de réception, infligent la cangue à mes contemporains. On s’y peut mouvoir à l’aise, aller, venir, tendre une tasse, accepter un bonbon, manier un éventail — ou simplement s’asseoir — sans renverser quelque pouf ou démolir quelque magot.

Sur l’aspect extérieur du logis, j’avais pressenti l’artiste ; l’aspect intérieur me l’affirme. Ces bibelots disparates et qui, par d’heureuses combinaisons, d’ingénieux contrastes, concourent à une harmonie extraordinaire ; ces tentures du siècle passé dont la tonalité chromatise de la violence à la tendresse ; toutes ces « curiosités », au sens rare et précieux du mot, ont été apportées là, une à une, par un amateur de haut goût et de singulière patience. Le joli réduit !

Deux fenêtres y accèdent, y jettent à pleines ondes la vaste clarté des pièces d’angle : l’une, sur le côté occidental de la maison, séparée de la serre par une allée ; l’autre, en loggia, sur la façade. Et, dominant une console, — un groupe ironie de bronze ! — attire et retient l’attention : Saint-Georges terrassant le dragon !

Mais la porte s’est ouverte, quelqu’un apparaît : une aimable personne aux yeux vifs et rieurs sous la