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NOTES D’UNE FRONDEUSE

les faubourgs descendent, et entrent — sans billets ! Mais ces visites cordiales se font vraiment rares…

Et lorsqu’un profane, las de languir, se glisse dans le couloir, il est vite rattrapé, honni, conspué, jeté dehors !

Si ce profane est une femme, et si cette femme parvient jusqu’à la petite rotonde qui précède la salle des Pas-Perdus (quelque chose comme la troisième antichambre du Parlement) l’effroi devient indescriptible. Le petit père Mathieu, chef des huissiers, court prévenir M. Madier de Montjau ; M. Madier de Montjau avertit M. de Mahy ; M. de Mahy appelle à la rescousse M. Martin Nadaud — et tous trois accourent, hirsutes, les bras au ciel, la barbe en avant, tels des dieux scandinaves ! Un cri se répand, lugubre, dans les couloirs : « La Chambre est envahie ! », et le poste prend les armes.

C’est ainsi que le journaliste qui s’appelait Claude Vignon, c’est ainsi que le très aimable écrivain qu’est madame Adam ont dû — renoncer à assister aux séances législatives, plutôt que de rester parquées en leurs tribunes, comme en un ghetto, par la pudibonderie de la République « athénienne ».

Et celles-là étaient des privilégiées !

— Zuze un peu pour les autres ! dirait Clovis Hugues.

Les autres, ceux qu’on bourre et qu’on malmène, constituent cependant une aristocratie ; par rapport au peuple… qu’on ne laisse pas entrer du tout, lui !

La loi dit : « Les séances sont publiques », mais le règlement dit : « Tu ne seras admis qu’avec un carton