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NOTES D’UNE FRONDEUSE

voir tomber les reliques en mains d’infidèles. Ah ! s’ils pouvaient !…

La vente, cependant, n’est pas très passionnante. Depuis ce matin — il est près de trois heures — on liquide la batterie de cuisine, la vaisselle, la verrerie, le linge de table, les lampes, les écrans, l’argenterie.

L’argenterie ! Encore une fable qui rôtit au feu des enchères ! Les trois quarts du service, du fastueux service où se complaisait le « soldat parvenu » (pour ne pas dire tout) sont en Ruolz, en beau Christophle tout battant neuf ! Et dire que ceux qui ont le plus tenacement contribué à propager ces potins d’office sont les mêmes qu’a tant indignés un identique mensonge : l’histoire de la baignoire d’argent de Gambetta ! C’est gentil, l’équité, en politique…

Métal blanc ou blanc métal, ça s’achète comme du pain ; les notables bruxellois s’emballent à la vue de tant de « trésors » ; les petites cuillères succèdent aux grandes fourchettes, les couteaux aux coquetiers. Notre confrère du Figaro, Chincholle, cède à l’entraînement général. Il se surcharge d’ustensiles, de bibelots ; mais il trouve moyen, le malin, de faire deux emplettes intéressantes : le plateau sur lequel on apportait la correspondance — s’il pouvait parler, celui-là ! — et une tasse à déjeuner très ordinaire, en porcelaine bleue et blanche, qui servait successivement, le matin, à madame de Bonnemains et au général.

C’est presque la coupe du roi de Thulé ! Quand Elle mourut, Lui noua, à l’anse, une touffe d’œillets… et plus jamais nul n’y but !

Il s’en faut que ce soit une sinécure, ici, l’emploi de commissaire-priseur ! Le crieur n’existe pas ; c’est le