Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
NOTES D’UNE FRONDEUSE

signatures ont été apposées, tant de documents ont flâné, tant de traités ont été conclus — cette table-là est devenue, moyennant 190 francs, le bien d’un notaire, M. Teymans. Un notaire ! En voilà une qui en pourra faire, des réflexions, pour peu que le goût des aventures lui ait pénétré les fibres ! Adieu paniers, vendanges sont faites ! C’est l’entrée dans la régularité — presque l’entrée en religion, pour meuble !

Une bibliothèque tournante, octogone et haute, est cotée 140 francs et trouve immédiat acquéreur. Une causeuse à deux places, en forme d’S, vannerie chiffonnée de cotonnade, est payée 14 francs.

Puis, le commissaire-priseur, suivi de ses clients, se transporte à l’étage au-dessus, par cet escalier aux parois de stuc blanc que j’ai gravi, une première fois, pour saluer la morte inconnue dont le cercueil disparaissait sous les fleurs ; que j’ai remonté une autre fois pour revoir, en la même pièce, un second cercueil drapé de tricolore, celui-là, et que l’Église a refusé de bénir !

Dans la grande salle à manger, aux murs vert-pâle rehaussés de reliefs clairs, les gros meubles de chêne sont restés. Aux enchères, ils atteignent : le buffet à crédence, 375 francs ; la servante, 150 francs ; la table à coulisse, 160 francs ; une petite étagère, 50 francs. Les vingt chaises de maroquin grenat à clous d’or trouvent amateur à 26 francs pièce. Mais cette vente est conditionnelle ; et l’on fait bien, puisqu’après total général il se trouve quelqu’un pour renchérir, et que le tout est adjugé, en bloc, pour 1,400 francs. Cela en vaut 3,000, au bas mot.