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NOTES D’UNE FRONDEUSE

donné ? Rien. Comptez donc encore sur son appui pour tantôt, si vous avez besoin de lui !

Le peuple (écoutez bien ce que je dis, parce que j’en parle en être qui le connaît et a vécu de sa vie) le peuple est, aujourd’hui, à qui saura le prendre.

Que, demain, X…, Y… ou Z… arrive avec un programme contenant la taxe sur le revenu, une législation nouvelle de l’héritage, une répartition plus équitable de l’impôt, d’autres choses encore — et vous verrez si on le suivra !

Le boulangisme est mort ; le mécontentement n’a jamais été plus vivace. Qu’un peu de temps se passe ; que l’attente des réformes promises solennellement s’éternise ; que pénètre dans l’esprit du populo cette idée qu’il a été « refait »… et les dirigeants sauront ce qu’il leur en cuira, de ses déceptions et de ses légitimes griefs !

On aura beau lui faire des mamours ; lui promettre monts et merveilles. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit un vieux proverbe ; peuple trompé n’écoute plus rien — il enverra promener les faiseurs de promesses, même s’ils sont sincères.

Vraiment, la cécité de ces gens est effrayante. Comment ne comprennent-ils point que ce sont les seize ans d’espoirs avortés, écoulés depuis l’avènement de la République sans améliorer le sort des humbles, qui l’avaient cru l’universelle panacée ; comment ne se rendent-ils pas compte, ces gouvernants, que ce sont leurs propres erreurs, leurs fautes, leur égoïsme, leur j’menfichisme, leur gloutonnerie, et leur mépris des misérables, qui ont fait, bien autrement que les chromos