Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/231

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Même, un jour, à la Chambre, ma voisine, une personne âgée et élégiaque, se pencha à mon oreille, et rougissant, comme aux temps (lointains !) de ses premiers aveux :

— Madame, je vous en prie, désignez-moi M. Vergoin !

Ma foi, les séances, là-bas, ne sont pas toujours drôles ; et il faut bien se divertir un brin. Je lui montrai Clovis Hugues.

— Voilà !

Elle le considéra un moment, d’abord avec surprise, puis avec admiration. Et d’une voix sombrée, émue, trahissant le secret de son âme, elle murmura :

— Oh ! il a bien l’air de quelqu’un à inspirer des passions !

Elle ne se trompait point quant à Clovis — coquinasse ! — mais quant à Vergoin !… Si l’on avait su !

J’eus la curiosité de savoir, moi ; de tirer au clair, non le pourquoi de cette galante réputation, mais la psychologie de ce vainqueur. J’abomine les hommes à femmes ; d’abord parce qu’ils nous déconsidèrent, ensuite parce qu’ils nous filoutent, n’aimant qu’eux-mêmes ; et chaque fois que se présente l’occasion d’en décortiquer un, je suis ravie.

Des amis me firent donc dîner avec l’irrésistible, chez Sylvain, dans la grande salle du rez-de-chaussée. Je le vois encore, avec sa bonne face ronde, sa moustache en chiendent, blonde et hérissée, ses cheveux ras, « à la malcontent » — suivant son premier « mot » de la soirée. Il en commit beaucoup d’autres du même gabarit ; bavard, turbulent, mystifié même par la