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NOTES D’UNE FRONDEUSE

— restait à savoir laquelle ! — plus pratique que ces vénérables, mais anodines mesures.

Et comme chaque fois qu’il s’agit de commettre quelque joyeuse illégalité, on vint me demander conseil.

C’est alors que nous eûmes une bonne idée…

Je vais vous la dire. Mais, avant, qu’on me permette une courte digression.

Quelqu’un se souvient-il encore du Vol des Postes, commis vers 1883-84, dans les baraquements dressés alors place du Carrousel ? Tout Paris s’égaya du soldat naïf qui, ayant pour consigne « de ne pas laisser entrer », mais point « de ne pas laisser sortir », regarda placidement le voleur s’éloigner dans les primes brumes de l’aube.

Ce voleur-là, on s’en enquit fort. Même quand il ne sait rien de rien, le public a un flair du diable pour mettre le nez sur les pistes scabreuses. Le Cri du Peuple, très documenté, eut la langue un peu preste ; montra qu’il en savait long.

Si bien que M. Kühn — le père Kühn, comme on appelait couramment le chef de la Sûreté — s’amena au journal, sous prétexte de demander des renseignements ; en vérité, pour tâcher de démêler au juste où nous en étions.

Venu seul, il causait en tête à tête avec le secrétaire de rédaction. Moi, les autres, bavardions dans la grande salle. Soudain, me prit une tentation gaie, une inspiration diabolique — la vision de toute une police affolée, décapitée, sans guide ni boussole, retournant Paris de fond en comble pour retrouver son pasteur.

Et me tournant vers mes collaborateurs, ces hardis