Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
NOTES D’UNE FRONDEUSE

faiblesses, afin que nul ne s’y méprenne), elle s’est montrée implacable aux Spartiates, aux pharisiens hypocrites, ignorants du pardon envers le crime, de la compassion envers la faute, de la tolérance envers l’erreur : ceux qui cachent le vice sous la robe de la sagesse et l’aspect de la vertu !

Elle y a mordu, elle y a pris goût… ce n’est pas fini !

Les trois arrestations d’hier ne rassasieront point sa fringale de vérité. Car le soupçon plane maintenant sur tous, sur tout.

Marat fut un vilain merle, à mon avis, par bien des côtés ; et j’aime Charlotte — mais Marat eut quelquefois du bon ! En même temps que les écailles de sa lèpre, il semait le doute autour de lui. Et le doute (supplice pour qui l’éprouve) sert quelquefois au bien public.

Voyez plutôt dans le cas présent. On empoigne les « corrupteurs », cela est bien. Mais… et les corrompus ? Il en est de la corruption comme de l’adultère, et du menu de certains restaurants : on est deux ! Sauf résistance — et je ne sache point que les rapports entre la Chambre et le Panama aient jamais relevé du domaine du viol ? — celui qui accepte est aussi coupable, plus coupable que celui qui offre ; car il trahit un associé, un mandat, un serment, tandis que l’autre suit son seul instinct, obéit à son animale impulsion, sert son personnel intérêt.

Enfin, il paie… ce qui, dans les sales trafics, constitue une supériorité.

Donc, l’ogresse avec laquelle on a voulu jouer, la bonne foule aux dents longues, considérera l’opération