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NOTES D’UNE FRONDEUSE

tourage si lamentable ; que certains purent s’y méprendre et croire la République en péril.

Mais à quels moyens eut-on recours ? Quelles armes basses alla-t-on chercher jusqu’au fond des égouts ? Quels trognons puants, ignobles à toucher ramassa-t-on au coin de toutes les bornes ?

On l’attaqua par son père ; on l’attaqua par ses enfants ! L’un avait été avoué en Bretagne : on le déclara tripoteur d’affaires véreuses, de marchés louches — et le fils fut rendu responsable d’agissements paternels rien moins que prouvés. La petite Marcelle, presque une fillette, se maria : et, le matin des épousailles, un journal opportuniste (je l’ai gardé) proclama que cette union était « nécessaire », vu l’état de la fiancée… mensonge infâme !

Pour trente mille francs — employés au service secret de la défense nationale ; et dont il était impossible, on le savait, de rendre compte, sans désorganiser le contre espionnage — Boulanger fut baptisé le « Brav’concussionnaire ».

Trente mille francs ! Ce chiffre fait rêver, en regard du milliard de Panama… on dirait dix sous !

Et le cri familier, la scie habituelle, remplaçant le : « Ohé ! Lambert ! » de l’Empire, ou le : « À bas le dictateur ! » envers Gambetta, fut :

— D’où vient l’argent !

De tout cela, Boulanger mourut (autant que de la mort de son amoureuse) ; des déceptions ; des dégoûts ; de toutes les flèches qui le clouèrent à l’autre cercueil : centurion en cible aux flèches, saint Sébastien de la calomnie !

Ce n’était ni un saint, ni un héros… seulement un bon