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NOTES D’UNE FRONDEUSE

paires » ; et toute une marmaille à culotte fendue piaillerait avec les papas aux trousses de votre demi-cent d’opportunistes, si votre demi-cent d’opportunistes s’avisait d’aller rôder par-là, et de demander leur appui à ceux qu’on insulta jadis.

Cela s’est passé de même en Décembre, rappelez-vous. On avait affamé le peuple — comme en 71 ; on l’avait mitraillé — comme en 71 ; on l’avait emprisonné et déporté — comme en 71 ! Et quand l’Empire apparut, les députés coururent aux faubourgs :

— Défendez-nous !

Les faubourgs répondirent :

— Et Juin ?…

Il n’en serait peut-être pas tout à fait de même aujourd’hui.

En 1851, les pavés saignaient encore du récent massacre ; on n’avait pas eu le temps de recoudre les façades qu’avait éventrées le canon de Cavaignac.

En 1888, dix-sept ans ont passé sur la tuerie, ceux d’alors sont presque des vieillards, ceux d’aujourd’hui sont presque des enfants. Combien risqueraient leur peau pour la vôtre, je n’en sais rien. Mais ce que je puis vous jurer d’avance, c’est que le flingot se tromperait de cible, si l’on voyait, en haut d’une barricade, traîner sur les pavés, comme du lichen, les favoris de Ferry.

Puis, le peuple est logique. Et avec son net bon sens, il voit ce que je disais tout à l’heure : que cette popularité est fille de l’autre ; qu’elle a ses racines enfoncées dans un cercueil qui vous est cher ; que cette étoile trembla pour la première fois dans le ciel