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NOTES D’UNE FRONDEUSE

la terrible campagne de Crimée — ses noirauds mourant autant de la neige que des boulets ! En 1856, elle passa au légendaire 1er Zouaves ; ensemble, on entama la campagne de Kabylie. Puis, en 1859, on traversa la Grande bleue et l’on s’en fut en Italie :

Cueillir des lauriers et des roses !

En 1861, on partit pour la Syrie… comme le beau Dunois ! En 1862, on fut expédié au Mexique. Partout où flottaient les chausses bouffantes du 1er zouaves, la petite cantinière, chéchia sur l’oreille et bidon garni, apparaissait en tête de sa charrette ; menant son mulet par la bride lorsque le chemin était trop difficile, qu’elle avait recueilli trop de malades, ou récolté trop de blessés. Entre temps, elle faisait le coup de feu contre les guerilleros.

Cinq ans, cette existence dura ; jusqu’à l’évacuation de 1867.

Pendant l’Année terrible, elle fit le service des Ambulances, sous les ordres du docteur Chenu et du docteur Nélaton ; la première levée, la dernière couchée, admirable de zèle et d’abnégation.

Ensuite, elle s’en fut en Nouvelle-Calédonie ; parce qu’au nombre des déportés étaient des amis que tous abandonnaient — sauf elle ! Ils moururent là-bas. Elle ramassa l’es deux orphelines comme jadis ses éclopés après le combat, et puisque rien ne la retenait plus là-bas, revint en France.

Elle y passa quelques années. Mais elle n’avait ni famille, ni patrimoine ; elles étaient trois, il fallait vivre… en 1881, elle partit pour Panama.