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CEUX DE LA FOULE

ÉDOUARD SOUDEY


Je le vois encore, Soudey le manifestant, Soudey l’anti-placeur, Soudey le boulangiste, avec sa toute petite taille, son visage rond, imberbe, coloré, piqueté de rousseur comme un abricot l’est de soleil. Mais il avait plutôt vécu à l’ombre, lui, le pauvre être, dans les sous-sols des cuisines ; dans le demi-jour des taudis : dans le clair-obscur des postes ou du Dépôt.

Et ses cheveux ternes, son anatomie défectueuse, ses prunelles déteintes, comme lavées, tout son triste individu, enfin, portait les marques de la dégénérescence imposée trop souvent aux parias de sa race par la détresse héréditaire, le manque de soins, les privations.

À l’âge d’homme, il rappelait ces malingreux petiots que peint si douloureusement le maître Pelez : suant le rachitisme, l’anémie ; semblables, dans leur