Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
NOTES D’UNE FRONDEUSE

des malheureux leur ayant fait la courte échelle. Tous, y compris les meilleurs, gardaient le mépris de la blouse. Chez Hugo, même, perce ce souci d’une vétille qui décida peut-être du sort de la patrie, en ces trois journées de décembre 1851.

C’est écrit tout au long dans l’Histoire d’un Crime. Lisez :

« Il y avait parmi nous des ouvriers, mais pas de blouses. Afin de ne point effaroucher la bourgeoisie, on avait recommandé aux ouvriers, notamment chez Derosne et Cail, de venir en habit. »

Non, mais voyez-vous ces gens qui sollicitent l’appui du peuple, et renient son costume !

Aussi le peuple se rendit-il bien compile que c’était là protestation de contre-maîtres ; et il fit ce qu’il fait toujours, en pareil cas : aux contre-maîtres, il préféra le patron.

Hugo le constate un peu plus loin :

« On regardait deux hommes qui se querellaient pour et contre le coup d’État ; celui qui était pour, avait une blouse ; celui qui était contre, avait un habit, »

Ce n’est pas d’autre chose que Baudin est mort — redingote humble, défraîchie, usée, dont la trame fut trouée par les balles, roussie par la poudre, tachée par le sang, afin que restât indemne et que gardât son lustre, devant la postérité, le frac en drap fin des députés d’alors, patriarches d’aujourd’hui !

Il est mort, je le répète, de la haine populaire contre les Vingt-cinq francs.

Et ce sont les survivants de ces Vingt-cinq francs-là, et leurs élèves, traîtres à la République d’alors, traîtres à la République d’aujourd’hui, assassins inconscients du Baudin de 1851, meurtriers responsables du Baudin futur — s’il s’en trouve encore ! — ce sont ceux-là qui