Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
NOTES D’UNE FRONDEUSE

cette grave question de Vacquerie candidat ; et si vous saviez quel « non ! » énergique a jailli de toutes les lèvres, et aussi de tous les cœurs !

Regardez donc en face, avec vos yeux clairvoyants de poète, ceux qui viennent — au nom de la République, bien entendu ! — vous demander de sacrifier à leur situation, à leurs intérêts, à leurs manigances, à leurs peurs, votre renommée sans tache ; votre passé, si héroïquement modeste ; toute cette carrière laborieuse et vaillante dont l’Art a été la religion et la récompense.

Ont-ils songé à vous jusqu’ici (autrement que par des propositions aussi vagues que d’avance repoussées) ceux qui, aujourd’hui, vous prennent les mains ; essaient de troubler votre conscience par des déclamations de rhéteurs ; font appel à votre foi citoyenne ; vous affirment que la République est en danger… alors qu’il ne s’agit seulement pas de leur maroquin personnel, mais du cuir de leurs portefeuilles ?

Non ; vous le savez bien ! Vous étiez, pour eux, « ce brave Vacquerie » : un voisin commode, parce que pas ambitieux, pas solliciteur, même un peu naïf avec sa manie de ne rien être.

— C’est une pose comme une autre ! disaient les bons camarades.

Et ils ne se gênaient point pour vous appeler le Béranger du Rappel. Mais on pardonnait facilement un petit travers supprimant la rivalité et tuant la concurrence.

Aujourd’hui, ils affirment — sans rire, ces augures de foire ! — que le sort de la patrie est à votre merci.

Ils sont donc bien tarés, eux, bien peu sûrs de leur propre honneur, bien peu confiants dans leur probité,