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NOTES D’UNE FRONDEUSE

qu’ils déclarent si haut ne connaître qu’un honnête homme en ce pays de France ?

Eh quoi ! dans leur tas de gouvernants, de fonctionnaires, de journalistes militants, d’aspirants députés, il leur a été impossible de faire un choix !

Joli gouvernement, joli parti, que celui qui met huit jours à chercher dans son personnel un impeccable ; ne le trouve pas ; et est obligé d’aller au seul homme que la foule croira propre — non même parce qu’il l’est, mais parce qu’il n’a jamais servi !…

Et c’est pourquoi nous protestons, nous qui nous cramponnons à votre nom, dans ce naufrage de tout, comme à une belle et solide épave — ne la laissez pas entamer par la dent des requins !

Avec une gloire moins astrale, mais autant pour le moins d’incontestable droiture, vous êtes, pour les petits du journalisme, ce que Hugo, votre ami, fut pour les jeunes de la littérature.

On n’est pas toujours de votre avis, il s’en faut ! On vous combat, on vous taquine ; mais, pour traduire ce que je veux dire par un mot enfantin : on vous aime bien !

Et nous ne voulons pas qu’on gâche votre vie ; qu’on salisse notre admiration ; qu’on lapide votre sagesse vénérée avec tous les immondices du ruisseau !

Ils savent bien ce qu’ils font, allez, les autres, en vous choisissant ! Ils ne se tailleront pas des pourpoints dans votre manteau de roi, parce que la mode est passée des rois et des pourpoints ; mais ils découperont, dans la solide trame de votre renommée, des feuilles de vigne pour toutes leurs turpitudes.

Elle vaut mieux que cela, vrai !