Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
NOTES D’UNE FRONDEUSE

Puis, il y a pire. Pour tout autre, cela me ferait rire, tant la pétaudière offre en ce moment un spectacle curieux — pour vous, cela me peinerait.

C’est la déroute certaine. Le gouvernement et son filleul resteront à plat sur le carreau.

Vous allez vous récrier… et les autres crieront au boulangisme, ce dont je me moque fort, ayant fait plus haut ma profession de foi.

Mais je vais vous dire ce qui motive cette opinion.

Les journaux opportuno-radico-possibilistes clament à tue-tête qu’ils veulent un candidat de protestation. On jurerait, à les entendre, que le général Boulanger est au pouvoir, et qu’il s’agit, pour l’opposition, de lui faire échec.

Et ils évoquent les grandes élections populaires contre les gouvernements de jadis : Rochefort, sous l’Empire ; Barodet, sous Thiers ; les 363, sous le Septennat !

Or, la situation est juste le contraire. Ce sont les opportuno-radico-possibilistes qui détiennent le pouvoir ; c’est le général Boulanger qui incarne aujourd’hui l’opposition.

Et il sera élu par cette unique raison (irrésistible pour Paris surtout) qu’il est le chef des mécontents, le candidat désagréable au gouvernement, donc sympathique à la population.

On ne retourne pas comme cela ses barricades — Paris est Paris !

Cela est si vrai que son adversaire, quel qu’il soit, sera le benjamin officiel, chéri des fonctionnaires, protégé des agents ; qu’on lui prêtera les salles municipales pour ses réunions ; qu’on veillera à la conservation de ses affiches ; qu’au besoin on donnera le coup