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NOTES D’UNE FRONDEUSE

de pouce à l’horloge, pour empêcher les boulangistes retardataires de voter.

J’atténue même, en ne parlant point de ce qui se passera au fond des urnes lors du dépouillement du scrutin. Mon très spirituel confrère Bergerat a créé un mot qui serait là joliment de situation.

Et j’exagère si peu, que vous aller le constater vous-même. Faisons cette hypothèse folle que le gouvernement ne représentant pas de candidat, et que les royalistes en présentant un, la lutte se concentre entre le général Boulanger, qui affirme sa fidélité à la République, et M. Z…, proclamant sa foi monarchique.

À qui iraient les sympathies du régime républicain et son appui occulte ?

Je vous affirme que la haine et la peur des dirigeants sont assez puissantes pour qu’ils préfèrent tout — tout, vous entendez bien ! — au succès du général.

Il y a encore une autre raison, à ce que ce succès soit présentement inéluctable.

Un des plus beaux chapitres de Notre-Dame de Paris porte pour titre ce simple mot : Ananké.

C’est contre cette Ananké-là que se débattent nos maîtres d’aujourd’hui. Il y a du fatalisme dans la fortune de cet homme, passif instrument aux mains du destin. Jusqu’ici, les flèches qu’on lui décoche rebondissent, et viennent frapper en plein cœur qui les a lancées.

Il a une chance miraculeuse ; ce qu’en termes de jeu on nomme la veine. « Le Roi des halles », ont dit quelques-uns. Non — le Roi d’atout !

Reste à savoir s’il ira jusqu’au sacre…