Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
NOTES D’UNE FRONDEUSE

Ils sont treize ; pas un de plus, pas un de moins, que la fournée d’accusés projetée pour aujourd’hui. Seulement, on est alors au 5 août 1864, devant les magistrats de l’Empire, et les accusés s’appellent, — Ô gaietés de l’histoire ! — les accusés s’appellent : Garnier-Pagès, Carnot, Dréo, Hérold, Clamageran, Floquet, Ferry, Durier, Corbon, Jozon, Hérisson, Melsheim et Bory !

Voilà cinq mois qu’on leur fait les cent mille misères, les traquant et les persécutant de façon inimaginable. Le 13 mars (huit jours avant l’ouverture du scrutin pour l’élection de deux députés, dans la première et la cinquième circonscription de la Seine) une réunion électorale intime tenue chez Garnier-Pagès, l’un des candidats, et à laquelle assistait Carnot, l’autre candidat, a été dissoute par la police.

Pendant qu’elle était dans la maison, elle a monté un étage et perquisitionné de fond en comble chez M. Dréo, le gendre de Garnier-Pagès.

Malgré cela — peut-être à cause de cela ! — Garnier-Pagès et Carnot ont été élus.

Mais, le 28 mai, la session du Corps législatif a pris fin ; et le 16 juin, à huit heures du matin, nouvelle invasion d’agents chez les deux mandataires de Paris. De nombreuses descentes ont été faites simultanément, aux quatre coins de la ville, chez un grand nombre de citoyens ; on a fouillassé aussi, en province, dans les tiroirs de quelques correspondants ; et, du tout, on a retenu une liasse de paperasses et un tas d’accusations sous lesquelles on compte bien écraser le mouvement nouveau.

Et, comme je le disais, depuis cinq mois, ils sont en butte à toutes les tracasseries possibles — tant et si bien que les voilà en correctionnelle, ces députés, cet