vengeance plus habile, rencontré cette modération si redoutable dans la diffamation, et qui en rend le succès plus sûr. Pour
juger de l’effet que fit ce portrait sur les amis mêmes de madame de Sévigné, il suffit de lire ce que Corbinelli en écrivait à
Bussy ; quoique, à vrai dire, Corbinelli, qui n’avait connu madame de Sévigné que par Bussy, ait toujours particulièrement
adulé celui-ci : « Je lus dans ma prison (en 1664) ce petit
livret, qui me charma, mais je vous dis charmer à la rigueur.
Je tombai sur l’endroit de... (il veut dire : du portrait de
madame de Sévigné). D’abord j’en fus fâché, puis, malgré
moi, j’en ris de très-bon cœur. Après cela je fus honteux d’en
avoir ri. Ensuite je me laissai tenter de le relire. Je ris encore
une seconde fois, et je fus fâché et honteux de même. Mais
j’avouai qu’il est impossible d’écrire une chose plus agréablement et plus délicatement que vous faites[1]. » Bussy lui répondit : « On voit dans votre récit un ami que l’amitié n’aveugle
pas tout à fait. Cependant il me paroît que votre rire fut naturel, et que vous n’en fûtes honteux que par réflexion[2]. »
Madame de Sévigné le connaissait bien ce rire naturel dont
l’amitié elle-même ne sait point, en pareil cas, se défendre.
Elle sentait combien la malignité de Bussy trouvait de complices.
Elle-même avouait plus tard à Bussy qu’elle aurait trouvé le
portrait fort joli, s’il eût été d’une autre qu’elle et tracé par
une autre main[3]. Une si jolie diffamation, venant d’un ami,
d’un parent, lui causa un vif chagrin. Ce chien de portrait,
a-t-elle dit, lui fit passer des nuits entières sans dormir[4]. Cependant, lorsqu’elle fut revenue de Bretagne (sans doute en
1662, après le séjour qu’elle avait fait aux Rochers au temps
de l’arrestation de Fouquet), ayant entendit dire que Bussy
avait brûlé les pages criminelles chez madame de Montglas,
touchée d’ailleurs de sa conduite dans l’affaire des lettres du
surintendant, elle se réconcilia sincèrement avec lui. Bussy
croyait si peu à l’avarice de madame de Sévigné, et il s’était
si bien pardonné ses torts envers elle, qu’au mois d’août 1663,
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NOTICE BIOGRAPHIQUE