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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


vraisemblablement le même jour que M. de Pomponne aussi admira la beauté des deux enfants. « M. de Pomponne, dit madame de Sévigné à sa fille, se souvient d’un jour que vous étiez petite fille chez mon oncle de Sévigné. Vous étiez derrière une vitre avec votre frère, plus belle, dit—il, qu’un ange ; vous disiez que vous étiez prisonnière, que vous étiez une princesse chassée de chez son père. Votre frère étoit beau comme vous. Vous aviez neuf ans. Il me fit souvenir de cette journée[1]. » Cette visite chez le chevalier de Sévigné étant, d’après l’abbé Arnauld, de 1657, mademoiselle de Sévigné n’avait pas neuf ans. Cet âge était alors celui de son frère : pour elle, elle avait onze ans. Si l’on pouvait supposer que madame de Sévigné a toujours été conséquente dans l’erreur de son calcul sur l’âge de sa fille, ce serait en 1658 que mademoiselle de Sévigné aurait été à Nantes, dans le couvent des Filles de Sainte-Marie, où sa mère admirait plus tard comment elle avait eu la barbarie de la mettre en prison, et comment elle avait pu céder aux conseils de ceux qui trouvaient alors que c’était une bonne conduite et une chose nécessaire à l’éducation de cette enfant[2]. « Je trouvai l’autre jour, écrivait-elle en 1675, une lettre de vous où vous m’appelez ma bonne maman. Vous aviez dix ans ; vous étiez à Sainte-Marie... Il y a déjà du bon style à cette lettre[3]. » Il est certain qu’en cette année 1658 madame de Sévigné alla en Bretagne et y fit un long séjour avec l’abbé de Coulanges et deux frères de cet abbé, Saint-Aubin et Chésières[4]. M. de Walckenaer a pensé[5] que madame de Sévigné avait conduit sa fille au couvent de Nantes quatre années plus tôt, en 1654, quand elle n’avait encore que huit ans (elle était bien jeune pour avoir un bon style), et l’en avait retirée en 1656. Il s’appuie sur d’ingénieuses inductions. Tout cela ne nous en paraît pas moins fort incertain et n’a pas une grande importance, non plus que cette question : Mademoiselle de Sévigné a-t-elle été aussi en pension à la Visitation du faubourg Saint-Jacques ? On l’a conjecturé, un peu légèrement peut-être, d’après une lettre

  1. Lettre du 15 janvier 1674.
  2. Lettre à madame de Grignan, 6 mai 1676.
  3. Lettre du 29 septembre 1675.
  4. Mémoires de Coulanges, p. 49.
  5. Cinquième partie, p. 268.