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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


obligée de se défendre contre des remercîments qui l’auraient rendue plus importante qu’elle ne voulait. « Vous me flattez trop, mon cher comte, lui disait-elle ; je ne prends qu’une partie de vos douceurs, qui est le remercîment que vous me faites de vous avoir donné une femme qui fait tout l’agrément de votre vie. Oh ! pour cela je crois que j’y ai un peu contribué; mais pour votre autorité dans la province, vous l’avez par vous-même, par votre mérite, votre naissance, votre conduite ; tout cela ne vient pas de moi[1]. »

Les différends de M. de Grignan avec le baron d’Oppède ne furent pas de longue durée. Le président commença, il est vrai, par contrecarrer le lieutenant général dans une affaire que celui-ci avait à cœur. Les dix-huit mille livres, fixées pour les appointements de M. de Grignan, ne suffisaient pas à l’énormité de ses dépenses. Dans l’assemblée des communautés, tenue à Lambesc en 1670-1671, il demanda que l’on payât l’entretien de ses gardes : car ce n’était pas lui, mais le duc de Vendôme, gouverneur absent, qui recevait les quinze mille livres accordées pour cet objet. Le président d’Oppède fit rejeter une demande équitable, mais illégale. Le comte de Grignan gagna quelque chose à ne pas se fâcher trop fort et à suivre les prudents conseils de madame de Sévigné. Afin de le dédommager, on vota pour lui cinq mille livres, en considération de ses bons services. Les excellents procédés qu’eut depuis ce moment le président d’Oppède, justifièrent tout ce quel madame de Sévigné avait dit si sagement de la faute que l’on fait en se hâtant trop de haïr et de se croire haï. Il se lia d’amitié à Paris avec madame de Grignan, et sa mort, qui arriva en novembre 1671, fut considérée comme une perte très-regrettable pour le lieutenant général de Provence.

Les mésintelligences furent plus graves et de plus longue durée entre M. de Grignan et l’évêque de Marseille. Dans ce long conflit, dont les différentes phases ne sont pas toutes faciles à suivre, on entrevoit très-bien que madame de Grignan, qui n’avait pas toujours l’humeur commode (c’est sa mère elle-même qui le lui dit quelque part), dut, lorsqu’elle fut arrivée

  1. Lettre du 2 juin 1672.