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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


défendait, en plaisantant, de la pensée qu’on lui avait prêtée d’épouser le comte de Revel[1] ; mais rien ne montre que ce qu’elle dit à ce sujet fût autre chose qu’un badinage, et qu’il ait été aussi sérieusement question de ce mariage que de celui du duc de Luynes.

La correspondance entre madame de Sévigné et sa fille ne recommença qu’en septembre 1687, et pour peu de temps, pendant une courte séparation d’un mois. Des convulsions à la main gauche et quelques vapeurs, qui faisaient craindre l’apoplexie à madame de Sévigné, l’avaient décidée à aller prendre les eaux. Ce fut, nous l’avons dit tout à l’heure, à Bourbon qu’elle se rendit. Elle avait préféré Bourbon à Vichy, afin de ne se point séparer de madame de Chaulnes qui avait aussi besoin des eaux et qui ne voulait que Bourbon. Ce voyage, que commandait sa santé, était en même temps nécessaire pour faire quelque diversion à son chagrin. Elle partit avec la douleur d’un grand deuil. Il y avait une vingtaine de jours qu’elle avait perdu, le 29 août 1687, son cher oncle, le bon abbé de Coulanges. Il avait alors quatre-vingts ans. Dans les dernières années de sa vie, l’âge l’avait beaucoup appesanti ; il était accablé d’infirmités. Tant qu’il lui était resté quelques forces, il avait continué à s’occuper avec le même zèle des intérêts de sa pupille, à qui toute son existence avait été dévouée. Aussi, quelque préparée qu’elle fût à la mort de ce bon vieillard, le pleura-t-elle amèrement. Dans les lettres qu’elle écrivit à Bussy sur cette mort, son cœur était tellement pénétré de douleur et de reconnaissance qu’elle ne put se défendre d’en laisser échapper l’expression avec une effusion touchante, quoiqu’elle s’adressât à un homme qui n’avait jamais aimé l’abbé de Livry. Le bon abbé était de ceux dont l’affection et le dévouement ne se remplacent pas : cependant, après qu’elle l’eut perdu, madame de Sévigné trouva du moins dans l’abbé de Quimperlé, Charrier, un homme qui lui rendit d’utiles services pour la gestion de ses affaires de Bretagne.

Après un court séjour à Bourbon, pendant lequel madame de Chaulnes avait pris d’elle le plus grand soin, et lui avait donné

  1. Lettre à madame de Grignan, 25 septembre 1689.