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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


que non-seulement nous la leur avons prêtée, mais qu’elle est encore à nous par l’assurance d’y retrouver encore nos meubles et les mêmes gens que nous y voyions si souvent[1]. »

Madame de Sévigné, lorsqu’elle quitta Livry le 10 novembre 1687, revint passer l’hiver à Paris avec sa fille, puis elle la garda encore près d’elle jusqu’à l’automne de 1688. Elle avait bien des fois craint de la voir partir plus tôt. Vraisemblablement la prolongation inespérée du séjour de madame de Grignan à Paris eut pour cause un procès très-important, qui avait fait d’elle, comme le disait sa mère, une comtesse de Pimbesche, et qui demandait à être surveillé et suivi de près. C’est au moins ce que madame de Grignan faisait entendre à son mari, dans la lettre qu’elle lui écrivait le 5 janvier 1688 : « Sans notre procès hélas ! lui disait-elle, nous serions cachés ensemble dans notre château. » Madame de Grignan était habile et entendue en affaires, elle y faisait preuve d’une capacité que madame de Sévigné admirait, et déclarait être « cent piques au-dessus de sa tête. » Il ne lui manquait que cette séduction d’un caractère aimable, dont sa mère se servait si bien. Le procès dont madame de Grignan était alors occupée, et qui, depuis longtemps commencé, allait être jugé cette année, intéressait au plus haut point sa maison. On ne disputait rien moins aux Grignan que leur nom et leur bien. Voici très-sommairement ce dont il s’agissait. M. de Grignan tenait tous ses droits et son état d’une substitution faite par Gaucher Adhémar de Monteil, baron de Grignan, mort en 1519. Ce Gaucher avait laissé un fils, Louis Adhémar de Monteil, qui n’eut point d’enfants, et deux filles, dont l’une avait épousé Gaspard de Castellane, et l’autre Claude d’Urre, seigneur du Puy-Saint-Martin en Dauphiné. Les enfants de Blanche, épouse de Gaspard de Castellane, furent substitués au nom et armes d’Adhémar de Monteil par le testament de Gaucher de Grignan[2]. Cette substitution fut attaquée par M. d’Urre d’Aiguebonne, descendant de Claude

  1. Lettre du 11 décembre 1689. — Nous donnons dans les notes à la fin de la Notice (note 10) un fragment d’une lettre d’Horace Walpole sur une visite qu’il fit à l’abbaye de Livry, en 1766.
  2. Aubenas, Histoire de madame de Sévigné, p. 559. Une note de M. Monmerqué dit que la substitution fut faite par le frère de Blanche, Louis Adhémar de Monteil.