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NOTICE BIOGRAPHIQUE

Qu’il entrât une certaine dose de petite vanité dans sa tendresse maternelle (celle que sa mère avait pour elle n’en était pas non plus toujours exempte), il ne faut pas la chicaner là-dessus. Elle avait certainement donné une grande idée de son amour pour son fils à madame de Sévigné, qui lui écrivit, pendant le siège de Philisbourg, comme à une mère dont on ne pouvait trop tranquilliser l’imagination et calmer l’impatiente anxiété. Les bulletins des opérations donnés par madame de Sévigné n’étaient pas tous exacts. Tout y était calculé pour écarter jusqu’à l’apparence d’un danger : rien n’était pareil aux précautions de Vauban pour conserver tout le monde. Madame de Grignan fut enfin rassurée pleinement par une charmante lettre que sa mère lui écrivit le 1er novembre, lettre toute pleine de la joie la plus vive, et qui commence par ces mots : « Philisbourg est pris, votre fils se porte bien. » La place avait en effet capitulé le 29 octobre. Le petit marmot, « qui sortait de dessous l’aile de sa mère, » s’était bien conduit à la tranchée.

Madame de Sévigné, tant que le siège avait duré, n’avait pas voulu quitter Paris, où elle avait, disait-elle, Philisbourg à prendre. Une fois cette épine hors du pied, elle alla se reposer quelques jours à la campagne, dans la petite maison que madame de Coulanges avait à Brévannes, près de Villeneuve-Saint-Georges. Celle-ci écrivait alors spirituellement à madame de Grignan : « Madame de Sévigné est une marâtre ; elle n’a point été jusqu’à Philisbourg avec monsieur votre fils ; elle s’est contentée de coucher à la poste pour se trouver à l’arrivée des courriers[1]. »

Tout danger n’était cependant point passé pour le jeune marquis. Tandis que madame de Sévigné, jouissant de sa sécurité, se reposait à Brévannes, on prenait Manheim, où le Dauphin avait marché après la prise de Philisbourg. La ville s’était rendue le 11 novembre. Le petit Grignan avait reçu à la cuisse une légère contusion, qui fut célébrée par madame de Sévigné comme un des plus glorieux exploits de guerre. Le Dauphin en avait parlé dans ses lettres au roi. Le chevalier courut à Versailles recevoir tous les compliments.

  1. Lettre du 11 novembre 1688.