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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/307

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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


Là il trouva que la fameuse contusion faisait une nouvelle : madame de Maintenon le félicita ; et sur ce qu’il disait, modestement pour son neveu, que ce n’était rien, elle lui répondit : « Monsieur, cela vaut mieux que rien. » Madame de Sévigné était transportée et recevait avec la tendresse et l’orgueil d’une grand’mère ces félicitations qui lui arrivaient de tous côtés.

Le jeune héros, décoré de sa triomphante contusion, était de retour à Paris le 6 décembre 1688. Il y resta trois mois, jusqu’au 5 mars de l’année suivante, jour où il partit pour Philippeville, dans le régiment de son oncle le chevalier. Madame de Sévigné se plut pendant ce temps à le diriger par ses conseils, à lui enseigner, au moment où il entrait dans le monde, ce qu’elle appelait « les manéges des conversations. » Elle tâchait aussi de lui inspirer le goût de la lecture, et, à son grand regret, elle y réussissait assez peu. De son côté, le chevalier de Grignan nourrissait le jeune capitaine des plus solides maximes de l’honneur militaire, et lui apprenait en même temps ce dont il n’avait guère trouvé les leçons ni l’exemple à la maison paternelle : l’habitude de compter, de ménager son argent ; il s’efforçait « de lui ôter un air de grand seigneur, de qu’importe ? d’ignorance et d’indifférence, qui conduit tout droit à toutes sortes d’injustices, et enfin à l’hôpital[1]. » Ce fut lui qui le produisit à la cour, où il lui ménagea, sous ses auspices, un très-flatteur accueil. Il y avait dans toute la famille un grand empressement pour cet adolescent destiné à soutenir le nom de Grignan.

Les Grignan étaient en bonne veine depuis quelque temps, ou, pour mieux parler, « il y avait sur eux, comme disait madame de Sévigné, un rayon de bonheur. » Une de ses lettres mettait sous les yeux de sa fille, à la fin de 1688, toutes les raisons qu’elle avait de ne se point pendre : le gain de son procès, la conservation de son fils et la contusion, enfin l’affaire d’Avignon et le cordon bleu. Donnons l’explication du cordon bleu et d’Avignon.

Il y eut au mois de décembre 1688 une promotion de

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 10 décembre 1688.