et mourir par sa faute ; il y a de la misère et de la pauvreté à
votre conduite ; il faut venir dès qu’il fera beau[1]. — « Cela,
écrivait madame de Sévigné à sa fille, est d’une vivacité et d’une
amitié qui m’a fait plaisir. » Nous le croyons bien ; son cœur
était trop bon pour ne pas entendre celui qui lui parlait. Ces
mots : « Vous êtes vieille » avaient dû cependant sonner étrangement à son oreille. Elle avoua « qu’elle en avait été tout
étonnée, quoiqu’elle ne se laissât pas oublier cette vérité. » Elle
y dut souvent rêver dans ses bois, et se rassurer un peu en
sentant que la jeunesse était toujours aussi vive dans son cœur
et dans son esprit. Quoique madame de la Fayette l’eût menacée de ne pas lire sa réponse, elle lui en fit une où elle lui
donnait « sa parole de n’être point malade, de ne point vieillir,
de ne point radoter. » Elle revendiquait son indépendance, refusait de rien changer aux résolutions qu’elle avait prises pour
l’hiver, et déclarait n’avoir aucune crainte de s’ennuyer avec
son fils, sa belle-fille et des livres. Elle passa en effet aux Rochers, doucement et sans que sa santé en souffrît, cet hiver que
ses amies avaient tant redouté pour elle. Son fils et sa belle-fille demeurèrent auprès d’elle. Sévigné redevint son lecteur
infatigable. Les lectures qu’il lui faisait alors de préférence
étaient celles qu’elle appelait « toutes divines. » Elle lui trouvait toujours bien de l’esprit, un esprit cultivé, disait-elle, qui
réveillait le sien. Elle en reconnaissait beaucoup aussi à sa
belle-fille, et s’étonnait que n’étant jamais sortie de sa Bretagne,
elle fût d’aussi bonne compagnie que si elle avait passé toute sa
vie dans le monde. On se représente sans peine comme très-douce,
malgré sa paix un peu monotone, cette vie que madame de Sévigné menait aux Rochers avec cet aimable ménage, aimable
non-seulement par l’esprit, mais par sa parfaite union. Elle les
voyait heureux tous deux et disait que son fils, qui avait souvent cru être amoureux, ne l’avait jamais été, et qu’il ne connaissait que depuis son mariage le véritable attachement de
cœur.
Madame de Sévigné ne demeura pas seulement tout cet hiver en Bretagne. Soit qu’elle eût des affaires à y terminer,
- ↑ Lettre du 8 octobre 1689.