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1652


eu un désordre à notre poste de Vitré, qui certainement est cause que je n’ai pas reçu vos dernières lettres, car je n’ai eu que celle d’Angers ; mais dans la pensée que ce n’est pas votre faute, je ne fais simplement que me plaindre de l’infidélité de nos courriers et me loue si fort de votre tendresse et de votre amitié, que je veux prendre à tâche désormais d’en dire autant de bien que j’en ai dit de mal. Pour moi, j’ai bien de l’avantage sur vous ; car j’ai toujours continué à vous aimer, quoi que vous en ayez voulu dire, et vous ne me faites cette querelle d’Allemand que pour vous donner tout entier à Mlle de la Vergne[1]. Mais enfin, quoiqu’elle soit mille fois plus aimable que moi, vous avez eu honte de votre injustice, et votre conscience vous a donné de si grands remords, que vous avez été contraint de vous partager plus également que vous n’aviez fait d’abord. Je loue Dieu de ce bon sentiment et vous promets de m’accorder si bien avec cette aimable rivale, que vous n’entendrez aucune plainte ni d’elle ni de moi, étant résolue en mon particulier d’être toute ma vie la plus véritable amie que vous ayez. Il ne tiendra qu’à vous désormais d’être bizarre et inégal, car je me sens résolue à vous mettre toujours dans votre tort, par une patience admirable. Faites, je vous supplie, que je n’en aie pas besoin, et continuez-moi toujours votre amitié, dont vous savez bien que je fais un cas tout particulier.

Je vous supplie de remercier pour moi Monsieur votre

    Vergne, c’est-à-dire à février 1655, mais elle est datée d’une manière bien plus précise par la nouvelle de la mort de l’abbesse du Pont, laquelle est sans doute Anne-Marie de Lorraine, fille aînée de la célèbre duchesse de Chevreuse et abbesse du Pont-aux-Dames, morte le 5 août 1652.

  1. Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, née en 1634, épousa en février 1655 le comte de la Fayette, frère de Mlle de la Fayette, l’amie de Louis XIII. Sur la tendre amitié qui l’unissait à madame de Sévigné, voyez la Notice, p. 135.