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1654 quelques douceurs, qu’il vous avoit trouvée fort à son gré, et qu’il vous le diroit plus fortement cet hiver. Tenez-vous bien, ma belle cousine : telle dame qui n’est pas intéressée, est quelquefois ambitieuse, et qui peut résister aux finances du Rois[1], ne résiste pas toujours aux cousins de Sa Majesté. De la manière que le prince m’a parlé de son dessein, je vois bien que je suis désigné confident. Je crois que vous ne vous y opposerez pas, sachant, comme vous faites, avec combien de capacité je me suis acquitté de cet emploi en d’autres rencontres[2]. Pour moi, j’en suis ravi, dans l’espérance de la succession, vous m’entendez bien, ma belle cousine. Si après tout ce que la fortune vous veut mettre en main, je ne fais pas la mienne, ce ne sera que votre faute ; mais vous en aurez soin assurément ; car enfin il faut bien que vous me serviez à quelque chose.

Je crois que vous serez un peu embarrassée dans le choix d’un de ces rivaux ; et il me semble déjà vous entendre dire :


Des deux côtés j’ai beaucoup de chagrin ;
      Ô Dieu, l’étrange peine !
Dois-je chasser l’ami de mon cousin ?
Dois-je chasser le cousin de la Reine[3] ?


Peut-être craindrez-vous de vous attacher au service des princes, et que mon exemple vous en rebutera. Peut-être la taille de l’un[4] ne vous plaira-t-elle pas ;

  1. Allusion au surintendant Foucquet, qui faisait la cour à Mme de Sévigné, comme on le verra dans les lettres qui suivent. Voyez la Notice, p. 64.
  2. Voyez plus haut la lettre 16, et la Notice, p. 47 et 50.
  3. Parodie des quatre derniers vers de la seconde stance du Cid, acte I, scène 9 :


        Des deux côtés mon mal est infini, etc.

  4. Armand de Bourbon, prince de Conti, frère cadet du grand