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1655 du surintendant pour vous, vous n’obligerez pas un ingrat : je vais vous dire a la pareille des nouvelles du mien pour ma Chimène[1]. Il me semble que je vous fais un honnête parti quand je vous offre de vous dire un secret pour des bagatelles.

Vous saurez donc que la veille de mon départ de Paris fut employée aux adieux, aux protestations de s’aimer toute sa vie, et à toutes les marques les plus tendres que deux personnes qui s’aiment fort se euvent donner de leur amour.


Ici je te permets, trop fidèle mémoire,
De cacher à mes sens le comble de ma gloire[2].


On se promit de s’écrire souvent, et le malheur des lettres douces qui tombent tous les jours entre les mains du tiers et du quart ne nous faisant point de peur, on résolut de s’écrire sans chiffre toutes les choses par leur nom. On demanda seulement que les lettres fussent brûlées aussitôt qu’elles auroient été lues. Après cela l’on recommença de se prouver par bons effets qu’on s’aimoit éperdument. Ensuite, l’amour étant un vrai recommenceur, l’on se redit les mêmes choses qu’auparavant en d’autres termes, et quelques-unes en mêmes mots. On y ajouta seulement des assurances de ne jamais rien croire au désavantage de chacun. Quelques larmes sui-

  1. Voyez la note i de la lettre 30.
  2. Vers du Temple de la Mort, de Philippe Habert, un des premiers membres de l’Académie française, mort, en 1637, au siège d’Emerick en Hainaut, à l’âge de trente-deux ans : il servait en qualité de commissaire d’artillerie. — Dans le texte de Philippe Habert, tel que le donne le Recueil des plus belles pièces des poètes françois (Paris, Cl. Barbin, 1692, tome IV, p. 177), il y a « cacher à mes yeux, » et non à mes sens. Les vers qui suivent dans le poëme la citation de Bussy, non transcrite dans notre manuscrit, expliquent très-clairement l’intention et le sens de cette citation.