Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/449

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 419 —

1656

Elles étoient parties en cet équipage des Sables d’Olonne, pour rendre visite à Mme la maréchale de la Meilleraye[1], qu’elles ne trouvèrent point ; mais leur peine ne fut pas tout à fait perdue, car elles furent régalées de force cris de carême-prenant, après quoi elles s’en retournèrent fort satisfaites.

Je m’assure aussi que vous n’aurez jamais ouï parler de la cane de Montfort, laquelle tous les ans, au jour Saint-Nicolas, sort d’un étang avec ses canetons, passe au travers de la foule du peuple, en canetant, vient à l’église et y laisse de ses petits en offrande.

Cette cane jadis fut une damoiselle
Qui n’alloit point à la procession,
Qui jamais à ce saint ne porta de chandelle ;
Tous ses enfants, aussi bien qu’elle,
N’avoient pour lui nulle dévotion,
Et ce fut par punition
Qu’ils furent tous changés en canetons et canes,
Pour servir d’exemple aux profanes[2] ;

    fut dansé en 1656, et où figurait, avec quatre autres Amazones, Thalestris, représentée par Monsieur, frère du Roi.

  1. Marie de Cossé, fille de François, duc de Brissac, seconde femme du maréchal de la Meilleraye. Voyez la note 2 de la lettre 27.
  2. Dans la compilation intitulée Recueil A B C D, etc., se trouve (partie C, p. 157-174) un article qui a pour titre Extrait d’un manuscrit petit in-4o… d’une très-grande bibliothèque, intitulé : « Récit véritable de la venue d’une cane sauvage, depuis longtemps, en l’église de Saint-Nicolas de Montfort (Montfort-sur-Meu ou Montfort-la-Cane, Ille-et-Vilaine). Dressé par le commandement de S. A. R. Mademoiselle. » Cette histoire, est-il dit dans l’extrait, fut écrite en 1662. En voyant d’une part cette date, de l’autre ce commandement de Mademoiselle, on serait vraiment tenté de croire que la lettre de Mme de Sévigné avait piqué la curiosité de la princesse, et qu’elle avait fait faire des recherches sur l’étrange miracle. La cane y a gagné : dans le récit, qui a pour auteur un chanoine régulier de Sainte-Geneviève, lequel avait longtemps résidé dans une abbaye de Montfort, elle n’est pas, comme dans la lettre, une impie, mais une pieuse et sainte fille.