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NOTICE BIOGRAPHIQUE

s’exercer. On ne pouvait manquer d’y veiller avec affection sur l’enfant d’une fille chérie. La mère de Chantal écrivait à madame de Coulanges : « Pour notre petite orpheline, je ne la plains pas, tandis qu’il plaira à Dieu de conserver mon très honoré frère (Philippe de Coulanges), et vous, ma très chère sœur ; car je sais que plus que jamais vous lui serez vrais père et mère, et que messieurs vos enfants la chériront toujours. » (Ce pressentiment ne fut pas trompé.) « Le cœur m’attendrit fort, quand je la regarde dans ce dépouillement de père et de mère ; mais je la remets de bon cœur entre les mains de Dieu et de sa sainte Mère[1]. » Madame de Coulanges remplit avec amour et dévouement tous les devoirs maternels. Elle instruisait elle-même la jeune Marie de Chantal[2]. Mais cette seconde mère ne devait pas longtemps survivre à la première. En 1634, dans un temps qui doit être peu éloigné des fêtes de Pâques, elle tomba gravement malade[3]. Qu’on nous permette encore de citer quelques passages d’une lettre écrite à cette occasion par la mère de Chantal, et qui n’est pas sans intérêt dans l’histoire des premières années de madame de Sévigné. Dussions-nous paraître nous arrêter un peu trop longtemps sur ces lettres, il vaut mieux que ce soit cette plume que la nôtre qui donne au lecteur quelques détails sur l’enfance de la jeune Chantal. Quand c’est le cœur d’une mère, et d’une telle mère, qui parle, rien ne semble plus être minutieux. « D’une façon ou d’autre, écrit-elle à M. de Coulanges, avant le trépas de notre très chère fille, vous eûtes beaucoup de plaisir et de contentement, et voilà que Dieu a fait retourner les afflictions… Les larmes me sont venues aux yeux, voyant la grande affliction où est ma pauvre très chère sœur. Si par mon sang et martyre je la pouvais soulager en son mal et vous

  1. Lettres de sainte Chantal, édition de Blaise.
  2. Lettre de la mère de Chantal à madame de Toulongeon sa fille, « Madame de Coulanges m’a infiniment obligée pour l’amour maternel qu’elle porte à la pauvre petite orpheline ; et encore sa bonté s’étend jusqu’à servir de maîtresse à la petite.
  3. La lettre de la mère de Chantal, qui nous sert ici d’autorité, n’est pas datée ; mais évidemment écrite après la mort de Marie de Coulanges et avant celle de sa mère, elle porte sa date dans son texte même.