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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.

en vos douleurs de cœur, croyez, mon très cher frère, que j’en fournirais de grand cœur ce qui en serait requis et en mon pouvoir. Nous commençâmes, dès le lendemain que nous eûmes reçu vos lettres, une neuvaine qui finira demain… Je communierai journellement à cette intention ; car j’ai un grand désir que cette âme soit soulagée pour plusieurs raisons qui me touchent à cœur, entre lesquelles celle de l’éducation de notre chère petite tient un bon rang. Vous me consolez bien des nouvelles que vous me dites de cette petite orpheline. Qu’elle sera heureuse, si Dieu vous conserve et ma pauvre très chère sœur, pour lui continuer votre sage et pieuse conduite ! C’est la vérité que j’aime cette enfant, comme j’aimais son père, et tout pour le ciel. Je me réjouis de la grâce qu’elle aura de communier à Pâques ; j’en aurai bien mémoire, et prie Dieu qu’à cette réception de notre doux Sauveur il lui plaise de prendre une si entière possession de cette petite âme qu’à jamais elle soit sienne. Que je vous suis obligée en cette petite créature ! Notre Seigneur en sera votre récompense. » Marie de Chantal fit donc vraisemblablement sa première communion en cette année 11634, lorsqu’elle venait d’avoir huit ans ; ce qui ne peut laisser de doute, quand on songe qu’elle était élevée par des personnes éclairées et pieuses, sur la précocité de sa raison, de son intelligence et de sa sagesse. Peu de temps après l’accomplissement de ce devoir religieux, elle devint plus orpheline encore qu’elle ne l’était. Le 12 mai suivant, madame de Coulanges, âgée de cinquante-sept ans, mourut dans sa maison de la place Royale. Elle fut portée aux filles de Sainte-Marie, et son cercueil placé à côté de celui de sa fille de Chantal, qui ne l’avait pas attendue un an. Avec quelle rapidité étaient emportés les uns après les autres tous les appuis d’une enfance que la Providence semblait condamner à l’abandon !

À partir de ce moment, on perd, dans ce qui a été publié de la correspondance de sainte Chantal, à peu près toute trace du vif intérêt avec lequel elle continua sans doute à suivre de loin la destinée de sa petite-fille. Une seule lettre à Philippe de Coulanges, où elle le remercie avec effusion « de sa singulière amitié et de sa tendresse d’amour pour la pauvre petite orpheline, » et du soin paternel qu’il prend d’elle et de ses affaires, doit se rapporter à cette époque. Quand on lit ces