Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 178 —

1671

question de le placer à propos et pour vous et pour nous. Notre d’Hacqueville nous disoit l’autre jour, en nous entendant parler de notre pérégrination de Bretagne en Provence, qu’il ne nous conseilloit point d’y aller cette année ; que nous allassions en Bretagne ; que nous y fissions toutes nos affaires ; que nous revinssions ici à la Toussaint revoir un peu mon fils, et ma petite d’Adhémar que je commence à aimer ; que nous changeassions de maison, c’est-à-dire moi ; que je m’établisse dans un lieu où je vous puisse ramener ; et que vers le printemps je m’en allasse en Bourgogne, où j’ai mille affaires, et de là en Provence : Chalon, la Saône, Lyon, le Rhône, me voilà à Grignan ; ce n’est pas une affaire que cela. Je serois avec vous sans crainte de vous quitter, puisqu’apparemment je vous ramènerois, qu’il ne seroit point question d’une seconde séparation qui m’ôte la vie ; que pour lui, il trouveroit un arrangement mille fois meilleur que l’autre, où il voyoit un voyage d’une longueur ridicule, placé dans le milieu du vôtre, pressée de revenir pour mes affaires et par mon fils, à qui je ne suis pas inutile, avec la douleur de vous quitter encore. Il ne trouva nulle raison à ce premier dessein, et en trouva beaucoup à celui qu’il nous proposoit. Nous écoutâmes ces raisonnements, nous les approuvâmes. Il me dit qu’il vous conseilleroit d’y consentir, et moi je m’y confirme par votre dernière lettre, où vous me faites voir que vous trouveriez fort désagréable que je vous quittasse après avoir été quelque temps avec vous. Je suis persuadée que vous entrerez dans cet arrangement. Pour moi, ce ne sera jamais sans douleur que je verrai reculer le temps et la joie de vous voir ; mais ce ne sera jamais aussi sans quelque douceur intérieure que je conserverai de l’espérance. Ce sera sur elle seule que je fonderai toute ma consolation, et par elle que je tâcherai d’apaiser une partie de mon impatience et de ma promp-