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chocolat est une matière que je veux traiter à fond avec lui, mais plutôt avec vous, et vous demander de bonne foi si vos entrailles n’en sont pas offensées, et si elles ne vous font point de bonnes coliques, pour vous apprendre à leur donner de telles antipéristases[1] : voilà un grand mot[2]. J’ai voulu me raccommoder avec le chocolat ; j’en pris avant-hier pour digérer mon dîner, afin de bien souper, et j’en pris hier pour me nourrir, et pour jeûner jusqu’au soir : il m’a fait tous les effets que je voulois ; voilà de quoi je le trouve plaisant, c’est qu’il agit selon l’intention.

Je ne sais pas, ma bonne, ce que vous avez fait ce matin ; pour moi, je me suis mise dans la rosée jusqu’à mi-jambes pour prendre des alignements. Je fais des allées de retour tout autour de mon parc, qui seront d’une grande beauté ; si mon fils aime les bois et les promenades, il bénira bien ma mémoire. Mais, à propos de mère, on accuse celle du marquis de Senneterre[3] de

  1. lettre 215 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. « Terme dogmatique : action de deux qualités contraires, dont l’une augmente la force de l’autre. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)
  2. 2. Ce petit membre de phrase (voilà un grand mot), qui se lit dans les deux éditions de Perrin, manque dans celle de la Haye, la seule de 1726 qui donne ce commencement de la lettre (jusqu’à : je ne sais pas, ma bonne).
  3. 3. Dans l’édition de la Haye on lit le nom tout entier ; celles de Rouen (1726) et de Perrin ne donnent que l’initiale. — Marie de Hautefort, veuve de Charles de Senneterre, marquis de Châteauneuf, etc., « étrangement remariée (en 1669), dit Saint-Simon, à (Guillaume de) Maupeou, président à mortier au parlement de Metz, » eut de grands démêlés avec son fils, qui poursuivait contre elle la répétition de sommes considérables. Le président entra dans tous les ressentiments de la mère. Un guet-apens fut pratiqué dans une maison sur la place de Privas, et le mardi 13 octobre 1671, comme le marquis rentrait chez lui, sur les quatre heures du soir, il fut frappé de sept balles, blessé grièvement, et mourut le 25 du même mois. On instruisit le procès contre Maupeou, le chevalier de Senneterre et leurs complices. La mère ne fut pas poursuivie, appa-