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rendra de si bons offices, je ne crains pas que votre amitié diminue. J’admirois votre humeur : elle est au delà de tout ce que l’on peut vous souhaiter. Si vous en avez une autre moins commode, il faut lui pardonner en faveur de celle-là, et pardonner aussi à ceux à qui vous vous découvriez assez peu, pour ne leur pas laisser voir clairement toutes vos bonnes qualités. Comme elles n’étoient pas exercées alors, on ne le pouvoit savoir que par vos paroles[1].

Mais, ma chère enfant, cette grande paresse à ne vouloir pas seulement penser à sortir un moment d’où vous êtes, me blesse le cœur. Je trouve les pensées de M. de Grignan bien plus raisonnables. Celle qu’il avoit pour la charge du maréchal de Bellefonds, au cas qu’il l’eût quittée, étoit tout à fait de mon goût. Vous aurez vu comme la chose a tourné[2]. Mais j’aimerois assez que le desir de vous rapprocher ne vous quittât point, quand il arrive des occasions ; et Monsieur d’Uzès auroit fort bonne grâce à témoigner au Roi qu’il est impossible de le servir si loin de sa personne sans beaucoup de chagrin, surtout quand on a passé la plus grande partie de sa vie auprès de lui.

L’autre jour, M. de Berni[3], à Versailles, passa par

  1. Lettre 242. — 1. Dans l’édition de 1754 : « Comme alors elles n’étoient pas exercées, on ne vous connoissoit que par vos paroles. »
  2. 2. Voyez la lettre du 13 janvier précédent, et sur tout cet alinéa la Notice, p. 123.
  3. 3. Fils du secrétaire d’État de Lyonne. On n’était pas encore accoutumé à le nommer du nom de son père, mort le 1er septembre précédent. — Louis, marquis de Lyonne et de Claveson, dut ce titre à sa cousine Jeanne-Renée de Lyonne, héritière du marquisat de Claveson et de la branche aînée de sa famille, qu’il épousa en 1675 et qu’il perdit cinq ans après. Il fut maître de la garde-robe du Roi, et mourut à soixante-deux ans, en 1708. « C’était un homme qui avoit très-mal fait ses affaires, qui vivoit